Afin de préciser ce que pourrait être cet « équilibre des engagements », il est nécessaire d’étayer cet enjeu managérial à partir de 2 constats analysés généralement en parallèle :
1. Les attentes des Français sur l’engagement sociétal des entreprises sont profondes.
Ainsi selon une enquête (Sondage OpinionWay pour INfluencia et Dagobert ) : 67 % des Français considèrent que les entreprises ne s’engagent pas suffisamment pour la société, via une politique RSE, des dons, des fondations … Et 76 % jugent que l’effet produit est largement positif lorsqu’elles le font. Cet engagement est attendu prioritairement dans les domaines de l’emploi et de l’environnement mais aussi sur les terrains du développement local, la lutte contre les discriminations, les droits de l’homme ou l’éducation… Cependant, une fois l’engagement acté, 71 % de la population le décrypte comme «une démarche de communication» destinée à améliorer leur image ( « greenwashing »).
2. Les attentes des salariés sur l’engagement de leur entreprise pour leur propre implication et mobilisation sont également profondes.
Toujours selon cette même enquête, lorsque l’entreprise est elle-même engagée et reconnue pour ses valeurs humaines, les salariés indiquent à 85% donner le meilleur d’eux même dans leur travail et être pleinement concentrés sur leurs missions (= 81%). En outre, 60% prennent plaisir à aller travailler le matin et se retrouvent dans les valeurs véhiculées par leur entreprise. Dans toutes les enquêtes d’engagement des salariés ressort le poids prépondérant de valeurs comme reconnaissance, confiance, responsabilisation, sens, équité, simplification …pour plus de fierté et de bien être ressenti dans l’entreprise. Ainsi la dernière enquête de Cone Communication indique que 70% des salariés déclarent qu’ils seraient plus « loyaux » et plus « fidèles » envers leur employeur si ce dernier était réellement investi dans une démarche de responsabilité sociétale. Chez les plus jeunes, les « millennials » ou « génération Y » sont 79% à classer la RSE comme premier critère de leurs recherches d’emploi.
Comment réconcilier ces attentes et agir à la fois sur la fierté ou le sentiment d’appartenance à l’entreprise et le bien-être ou le bonheur au travail ?
1- Répondre à la quête du sens et à l’envie de connaitre le « pourquoi » ?
Alors que nous vivons une véritable révolution sociétale guidée notamment par la recherche de bien être comme valeur structurante, l’organisation et le management de l’entreprise se transforment. Que l’on parle d’entreprise libérée ou libérante, d’entreprise socialement responsable, d’entreprise collaborative ou intelligente…de leadership plutôt que de management… : la performance globale durable est toujours corrélée à la vision partagée des stratégies ainsi qu’au sens donné aux actions. C’est la nécessité du : « why ? how ? what ? » communiqué par S Sinek sur la façon dont les grands leaders inspirent l’action. Mutatio Conseil
2- Favoriser « l’équilibre des 3 engagements »
La quête du bien-être physique, mental et social n’est plus une mode mais devient dans nos sociétés une norme à vivre au quotidien y compris dans et grâce à l’entreprise. Ainsi, contribuer à ce que les collaborateurs trouvent leur équilibre personnel (satisfaction, épanouissement) est bien un enjeu stratégique de performance durable pour l’entreprise. Les études citées orientent vers l’organisation d’une complémentarité de « 3 engagements » pour atteindre cet équilibre : sens du travail, stabilité dans l’environnement familial et personnel, réalisations dans la vie sociétale. Quel rôle et quels leviers pour l’entreprise dans l’organisation de cet équilibre vie personnelle/vie professionnelle? Comment peut-elle être facilitatrice mais pas seulement ? Comment investir aux côtés de ses collaborateurs dans les « causes » sans être suspectée de greenwashing ?
L’enquête Cone donne quelques pistes notamment pour satisfaire les attentes des jeunes générations :
• Ils sont 71% à vouloir que leur employeur leur fournisse d’autres manières de s’investir dans la RSE de leur entreprise.
• 63% des interrogés souhaiteraient qu’en plus des programmes classiques de volontariat encadré des entreprises, se développent des possibilités de micro-volontariat, de mécénat de compétence dans une gamme plus larges d’associations …ou encore par le don sur salaire qui est cité comme un outil de philanthropie d’entreprise intéressant par 60 % des salariés !
• 52% des salariés estiment aussi que leur investissement dans la RSE de leur groupe pourrait être mieux valorisé sur les réseaux sociaux (via Facebook), ce qui amplifierait encore leur participation.
En fait, les employés cherchent à enrichir leur engagement professionnel par des expériences plus variées, qui mettent à la fois à l’épreuve leurs compétences professionnelles mais aussi leurs sensibilités personnelles.
Alors quelles solutions pour favoriser l’équilibre des « 3 engagements » et aller plus loin que la traditionnelle communication interne sur les actions RSE de l’entreprise ?
• Les nommer « ambassadeurs » des actions RSE de leur entreprise,
• S’engager « sous la bannière » de ses collaborateurs acteurs d’engagements sociétaux avec l’aide de l’entreprise,
• Les responsabiliser dans une mission « complémentaire » à leur job,
• Supporter les « causes RSE » des salariés en les valorisant dans l’entreprise et en faisant parler d’eux…
Quelques exemples d’actions menées pour aller dans ce sens :
• Sous couvert d’une fondation d’entreprise, la mise en place de « relief coins » et d’heures que les salariés ont pu allouer sur les missions ou projets associatifs proposés …
• Regrouper toutes les démarches sur une seule et unique plateforme, accessible à travers le monde, sur laquelle tous les porteurs – Fondation, délégués et partenaires associatifs– pourraient poster leurs projets et missions de bénévolat (Schneider Electric)
Il revient à chaque entreprise d’inventer sa démarche de « contrat sociétal interne » au regard de sa stratégie, son organisation et ses choix de management… mais elle ne peut en aucun cas se passer de l’énergie mobilisatrice de salariés épanouis à travers « l’équilibre de leurs engagements ».
Jean-Michel Poupeau